A l’époque romaine, un sentier empierré passait par Fréland et doublait ainsi le chemin le long de la vallée de la Weiss souvent inondé. Ce sentier permettait de se rendre au col du Bonhomme. Il faut cependant attendre 1311 pour trouver une première mention du village” Urbach“, le « ruisseau des aurochs ». Plus d’un siècle plus tard, en 1421, le village prend le nom de Frallan qui vient du latin “fragilis” et qui, dérivé, donne frâlay, éboulement de terrain.
Au moyen-âge, la communauté de Fréland faisait partie de la Seigneurie du Hohnack. Mais le seigneur, le sire de Ribeaupierre à partir de XIVe siècle, la tenait en fief de l’évêque de Bâle.
Au XIVe siècle, c’est une famille, les Pfaff qui la tenait en arrière-fief. La communauté était administrée par un prévôt nommé par le seigneur et des officiers élus chaque année. Quelques indications sur la population montrent qu’il y avait 250 chefs de ménage en 1580. Après la guerre de trente ans en 1648, le chiffre tombe à 60 bourgeois, chefs de ménage.
Cette terre rurale était principalement tournée vers l’agriculture, la forêt et l’artisanat. Jusqu’à la révolution, il existait des exploitations rurales avec un droit de justice : les Collonges. Sur les pentes des collines, le seigle, l’avoine, l’orge et les pommes de terre étaient cultivés. Cette production était toutefois insuffisante pour la consommation courante.
L’essentiel de l’élevage était celui de vaches laitières sur les chaumes. Les forêts quant à elles, apportaient un revenu important aux seigneurs qui les possédaient. L’économie consistait également en de hauts fourneaux de 1541 jusqu’à la guerre de trente ans. Les seigneurs de Ribeaupierre avaient installé ces derniers pour traiter le minerai d’argent extrait des roches de Sainte-Marie-Aux-Mines. Le bois frélandais fournissait le combustible indispensable à l’extraction du métal.
Il faut noter également l’existence au XVIIe siècle d’une confrérie du scapulaire de Sainte Marie du Mont Carmel. L’architecture témoigne aussi de cette dévotion à l’Église catholique. En 1706, une nouvelle église avec trois autels est consacrée. Elle a disparu pour laisser place à l’actuelle du début XlXe siècle. Deux chapelles furent également construites, l’une au bas du village dédiée à St Gérard en 1740 et l’autre dédiée à St Thiébaut en 1771 (ci-contre).
Fréland depuis la révolution.
La révolution est synonyme de liberté puisque le village n’est plus sous la coupe de la noblesse. C’est aussi une période de troubles et de peurs. Les forêts sont alors surveillées contre les paysans agités. C’est le temps de la vente des biens nationaux pris à l’Église. Ainsi, le presbytère est vendu à un particulier. La commune hérite également de biens provenant du couvent des Clarisses d’Alspach. La chapelle Saint Thiébaut est même fermée au culte provisoirement. Néanmoins, c’est véritablement une nouvelle ère politique qui commence avec un pouvoir municipal qui prend peu à peu de l’ampleur.
Une fois les troubles de la révolution passés, Fréland prend un nouvel essor. C’est en effet au cours du XIXe siècle que les grands bâtiments historiques que nous connaissons aujourd’hui sortent de terre. Le premier grand chantier est la construction de l’actuelle église Notre Dame de l’Assomption (ci-contre). Au début du XlXe siècle, l’ancienne église agrandie en 1706 tombe en ruine. Aussi, le conseil municipal décide de la remplacer. Le 1er avril 1823, on commence à démolir l’ancien bâtiment et le 17 avril 1824, la première pierre de la nouvelle église est bénite. La construction s’achève en 1825. Contrairement à l’ancienne qui était orientée W-E, la nouvelle est orientée NW-SE dans le sens de la vallée. Un orgue y est rapidement placé puisqu’en 1826, un orgue de Joseph Chaxel trône sur la tribune.
A partir de 1850, la quasi-totalité des grands bâtiments que nous connaissons est construite en l’espace de 50 ans. Dès 1840, l’école des garçons est achevée, suivie par celle des filles en 1856. La Mairie est construite dans le centre du village en 1864 ainsi que le presbytère entre 1866 et 1871. Dans le domaine religieux, la chapelle St Gérard de 1740 est reconstruite en 1876 par un habitant nommé Jean-Baptiste Bertrand. Un magnifique orgue de Louis-François Callinet vient remplacer l’Orgue Chaxel. Pour permettre l’élargissement de La Grand’Rue, la chapelle St Thiebaut est déclassée. Le maire Thomas et le curé Chevalier décident donc d’en construire une autre sur “Les roches du corbeau”. La chapelle de style Néogothique en grès rose du pays est achevée en 1898. Enfin l’hôpital communal est construit en 1908 pour accueillir les malades et les plus âgés.
Du point de vue politique, Fréland est devenu allemand en 1871 suite à la guerre franco-prussienne. Malgré le choc que cela a entraîné, les frélandais savent alors dépasser cette tragédie nationale.
Le bois fournit toujours la principale richesse de la commune. Les associations naissent comme la musique municipale crée en 1901. L’artisanat et l’agriculture sont florissants à la veille de 1914. La première guerre mondiale ne surprend pas les frélandais. Ils savaient qu’une guerre se préparait entre la France et l’Empire allemand cependant les frélandais, doivent se battre sous l’uniforme allemand. 47 d’entre eux ne sont pas revenus des tranchées. De durs combats se déroulaient au Linge et à la tête de Faux. Les frélandais restés au village devaient loger entre autre bon nombre de soldats allemands. Le village n’est redevenu français qu’en novembre 1918.
Après le premier conflit mondial, Fréland profite toujours de la richesse que lui offre sa forêt. La commune a été moins touchée en dégâts matériels que ses voisines. Les hommes travaillent en forêt et aux champs. Une usine de tissage construite en 1925, le long de la rivière et l’usine de cartonnerie à Kaysersberg permettent le plein emploi. La vie n’est pas toujours facile et les hivers sont vigoureux. Le village offre en hiver comme en été, le spectacle d’une nature riche et splendide. Les paysages sont si attractifs qu’ils retiennent l’attention de Jean Renoir qui tourne les dernières scènes de « La Grande Illusion » sur les hauteurs du village et dans une ferme frélandaise en 1937.
Mais rapidement le bruit des bottes se fit entendre. Un nouveau conflit se préparait, terrible et angoissant. La guerre éclata le 3 septembre 1939. Cette guerre qui commençait devait être longue. De septembre 1939 à mai 1940, les frélandais assistèrent à la « drôle de guerre » sans combats. Pourtant le 10 mai 1940, les allemands attaquèrent par la Belgique et les Ardennes. Très vite le front français fut percé, plongeant le pays dans le désordre le plus total. Fréland fut occupé par les allemands le 19 juin 1940. Peu après, l’Alsace fut annexée par le Reich allemand. Le village fut donc à nouveau coupé de la France, et ce pendant 4 ans. Le gouvernement nazi envoya à partir de 1942 de jeunes frélandais combattre sous l’uniforme allemand. Ces « malgré nous » furent envoyés sur le front russe, en Grèce et sur la mer du Nord. Quant aux résistants frélandais, certains furent internés au camp de Shirmeck.
Au total, 35 frélandaises et frélandais ont perdu la vie pendant le conflit, ce n’est qu’en décembre 1944 que le village fut libéré par la 36ème Division d’infanterie US. Cette guerre a évidemment laissé des traces profondes dans le coeur des familles. Le monument aux morts de la commune est d’ailleurs là pour le rappeler aux jeunes générations.
Sources :
Archives municipales
Archives paroissiales
Fréland/Haut-Rhin de Charles SCHILLINGER
La grande Illusion – Jean Renoir, Ed. Balland
Détours en Pays Welche – publication de la société d’histoire du canton
avec la précieuse collaboration d’Yvette BARADEL
Livres sur Fréland et le Pays Welche
( Vente à la Mairie et à La Société d’Histoire du Canton )
“Histoire d’un village du Pays Welche” par Guy Guérin. Portrait sentimental d’un Fréland oublié. Textes et photos, 143 pages, 18 Euros.
“Fréland / Haute-Alsace” par charles Schillinger. Tome I : recherches historiques et généalogiques sur Fréland des origines à la Révolution de 1789. Textes et illustrations, 327 pages, 43 Euros.
“Témoignages de la guerre 1939-1945”. Recueil de témoignages de frélandais ayant vécu la guerre au village ou comme soldat. On y trouve notamment le statut si particulier des “Malgré-nous”. Texte et photos, 174 pages, 22 Euros.
“Du Val d’Orbey au Canton de Lapoutroie” par Yvette Baradel. Histoire du Pays Welche des origines à nos jours. Textes et illustrations, 198 pages, 25 Euros.
“Détour en Pays Welche” – Guide illustré, 80 pages, 5 Euros.
“Le Welche, tel qu’en lui même” par Gilbert MICHEL. Reber Editions. Ouvrage de 380 pages environ dont plus de 50 photos, cartes postales et documents et 1 CD avec des extraits du livre. 42 €